Cahier d’Espérance n° 799 : «1ère Conférence de Carême: Rendre une juste justice»

Obtenir une justice juste c’est d’abord l’aspiration de toute personne qui s’adresse à l’institution judiciaire pour lui soumettre un litige. Elle souhaite que ses arguments soient entendus et compris et, qu’à l’issue d’un débat loyal, le juge lui réponde qu’elle a raison ou tort, avec toutes les nuances que comporte une décision de justice.

Rendre une juste justice c’est aussi l’aspiration de tout juge qui, au-delà de l’application de la règle de droit, espère, par une décision motivée, apaiser le conflit en prenant en compte le contexte de l’affaire qui lui est soumise, son impact humain et social.

Rendre la justice est un processus complexe, qui dépend, avant que le juge ne tranche, de la qualité du travail de nombreux intervenants (services de police, services sociaux, experts, interprètes, avocats, médiateurs, …), qui tous, à leur place, contribuent à l’œuvre de justice et qui, malgré l’impatience légitime des parties à un procès, demande du temps, sauf à obtenir une justice au rabais.

Il ne saurait y avoir de justice juste sans un cadre institutionnel qui lui assure une indépendance, des moyens, un personnel formé,
de grands principes du droit et de la procédure et une certaine sécurité juridique.

Mais ce cadre, s’il est nécessaire, n’est pas suffisant, car rendre une juste justice, c’est aussi une affaire de femmes et d’hommes mis face
à l’acte de juger. Ceux-ci disposent d’une certaine marge d’appréciation, mais qui s’exerce sur le chemin de crête étroit de la légalité, qui est
aussi un gage de justice, car comme le disait Henri Lacordaire : Entre le fort et le faible (…) c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.

Le droit, sauf dans les régimes totalitaires, est rarement directif, mais suit les évolutions de la société et les juges sont souvent en
première ligne pour décider de litiges qui sont liés à ces évolutions, avant même que le législateur se prononce : nouvelles technologies,
notamment l’internet, nouvelles compositions familiales, mondialisation de l’économie.

Chemin d’humilité, l’acte de juger, s’il requiert un certain professionnalisme, relève aussi d’une forme de vocation, tant est spécifique la mission de juger ses semblables. Mais malgré les louables efforts des professionnels de justice, chacun est renvoyé à la perception qu’il a de ce qui est juste ou de ce qui ne l’est pas en fonction de son histoire personnelle, car il s’agit là d’un domaine où l’empreinte de la subjectivité reste forte.

François LEPLAT 

Magistrat, Conseiller à la Cour d’appel de Versailles


799 Semaine du 10 au 17 février 2016

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