Cahier d’Espérance n° 791 : «L’Encyclique Laudato si »

L’Encyclique « Laudato si »Le titre de cette Encyclique est tiré du « Cantique des créatures » de Saint François d’Assise.

Le retentissement mondial de ce texte, y compris dans les milieux incroyants, et très au delà des milieux écologistes, révèle un désir de changement de vie et de réorientation de l’économie.

Sous le nom «  d’écologie intégrale », le Pape lie le respect de la nature et celui  des pauvres qu’elle nourrit, et y inclut le respect de la nature humaine.

L’Encyclique étend la charité à l’ensemble du créé. La création n’est plus seulement faite pour l’homme : comme et avec l’homme, elle est faite pour Dieu.

Cette Encyclique ne propose rien moins qu’une redéfinition du progrès.

Celui-ci nécessite, pour les populations riches, un changement de vie personnelle et, pour les pays développés, une réorientation de leur économie :

  •  Au niveau individuel, il s’agit d’arrêter la surconsommation et le gâchis, d’acheter de façon éthique, de vivre dans une frugalité libératrice et de pratiquer une ascèse dont le but soit le partage.
  •  Au niveau économique, le Pape propose de remédier à des carences : insuffisance du recyclage des déchets, absence de gestion du patrimoine des ressources, absence de gestion du long terme.
  • Il demande de corriger des dérives : exclusion des moins performants, soutien de l’homme producteur face à l’homme consommateur. Comment en sommes-nous venus, comme le dit Gaultier Bès dans le livre « Nos limites »*  « à vendre à des chômeurs des gadgets produits par des esclaves » ?

Le Pape condamne l’anarchie financière mondiale persistante, qui prépare une nouvelle crise. Il dénonce la croissance des inégalités : cupidité des dirigeants et paradis fiscaux, qui privent les Etats des ressources permettant de financer la redistribution des revenus et la gratuité de l’éducation et de la santé.

Enfin, il réaffirme la nécessité d’établir une gouvernance mondiale, face aux défis du réchauffement climatique, de la faim dans le monde, de l’immigration et de la gestion des ressources naturelles.

Chacun de nous peut réorienter sa vie dans l’esprit de l’Encyclique, militer dans desONG et éveiller les consciences des décideurs économiques ou politiques qu’il rencontre  pour qu’ils changent leurs priorités.

Jean-Paul Lannegrace

* Livre disponible à la librairie de NDP

YR Conférence du Jeudi 11 juin 2015

Qui sont les Catholiques aujourd’hui ? 

Sociologie d’un monde divisé.

Yann Raison du Cleuziou 

A l’occasion de la parution de son livre « Qui sont les Catholiques aujourd’hui ? » Yann Raison du Cleuziou analyse, en sociologue, le positionnement des Catholiques dans la France actuelle. Le premier constat est celui d’un paradoxe : les Catholiques sont une réalité massive mais ignorée, 56% des Français se disent catholiques, soit 38 millions de personnes mais 5% seulement se reconnaissent pratiquants, soit 4 millions. Il y a 14 000 prêtres dont l’âge médian est 75 ans, 29 000 religieuses dont 3 000 seulement ont moins de 50 ans. Enfin 2 millions d’élèves fréquentent l’enseignement catholique. Alors que 4 millions de Français se disent musulmans, le catholicisme est bien la première religion de France. Mais il est souvent pensé, notamment par les médias, en catégories binaires :

  • pratiquants et non pratiquants, on oublie alors les 20% de pratiquants occasionnels,
  • progressistes et traditionalistes, avec en filigrane l’identification des Catholiques aux participants à la « Manif’ pour tous » alors que 40% des pratiquants ne sont pas hostiles
    à la loi Taubira, et la focalisation médiatique sur la personne du Pape brouille les cartes car les Catholiques sont le plus souvent interrogés sur ce qu’a dit le Pape et non sur ce  qu’ils pensent.

Yann du Cleuziou examine la population catholique sous l’angle de deux variables, le rapport à Dieu et la mise en œuvre de la foi. Il oppose, d’une part,  le rapport aux sacrements qui est codifié à la médiation par l’art ou par la fréquentation d’un groupe de prières et, d’autre part, le rapport des pratiques de dévotion aux conduites altruistes.

Il distingue ainsi :

  • les Conciliaires qui joignent l’altruisme à la fréquentation régulière des sacrements. Jésus est celui qui inclut l’exclus. Le conciliaire est conduit à transgresser les frontières
    sociales. Les femmes en responsabilité sont un bon exemple.
  •  Les Emancipés qui sont également altruistes mais participent à des mouvements plutôt  qu’aux sacrements et pour lesquels Jésus est un libérateur. On les trouve dans les ONG, dans l’économie sociale, chez les écologistes.
  • Les Inspirés qui ont parfois également une pratique informelle mais jointe à une forte dévotion. Leur relation personnelle à Jésus est intégrée à leur vie.
  • Les Observants pour qui la pratique rigoureuse des sacrements et des recommandations
    de l’Eglise s’accompagne d’une dévotion au Christ crucifié et ressuscité qui nous ouvre le salut. On constate, dans cette catégorie, une certaine mise à distance du monde.

A cette typologie correspondent des attentes différentes en ce qui concerne la Messe. Pour les Conciliaires, la célébration doit privilégier l’accueil et la communion, les Emancipés sont un corps indocile qui préfère les groupes bibliques aux liturgies mais quand ils participent à la Messe, c’est une homélie nourrie qu’ils attendent. Pour les Inspirés qui rejettent toute routine communautaire, l’important est l’équilibre entre le balancement et la prosternation, la louange et le recueillement. Enfin, pour les Observants, l’office est hors du quotidien et marque la solennité de la transcendance, aucune sécularisation n’est possible.

Les attentes par rapport à l’Eglise sont également bien diverses. Les Conciliaires sont plutôt  en accord avec ses propositions, les Emancipés la voudraient plus engagée contre les injustices, le conservatisme, débarrassée d’une certaine hypocrisie. Les Inspirés regrettent qu’elle ne soit plus une communauté de convertis mais ils sont optimistes quant à son avenir. Enfin, pour les Observants, l’Eglise doit témoigner de la vérité face à une crise de société aggravée par la tiédeur des Catholiques.

Quand on interroge les Catholiques, ils se montrent, dans leur ensemble, très critiques tant vis-à-vis de l’Eglise qu’à l’égard des autres Catholiques, d’autant qu’une certaine rancœur générationnelle se greffe sur les différences d’approche. Le clergé diocésain est en difficulté, les paroisses sont en crise, la tentation d’une recomposition identitaire est forte. L’absence de structure unificatrice se fait sentir. Le débat est pauvre, comme l’ont montré les remontées du Synode sur la famille, beaucoup confondent penser et discuter !

Les relations entre ces catégories sont variées. Les Inspirés et les Observants se retrouvent dans certains lieux comme Paray-le-Monial, les Inspirés et les Emancipés à Taizé. Les Conciliaires qui sont majoritaires, sont en contact avec tous les autres même si, dans les paroisses, leurs relations sont parfois tendues, les Charismatiques sont également en contact avec les autres groupes.

L’ouvrage que Yann du Cleuziou considère comme un instrument de travail, a été présenté, début juillet, à la Conférence des Evêques de France.

Des témoignages qui reprennent trois des catégories, viennent à l’appui de cet exposé :

  •  Yvon Savi appartient à la communauté de l’Emmanuel. Cet « Inspiré » venu d’un milieu catholique breton un peu tiède a rencontré le Jésus du baptême, qui nous aime. Il est engagé dans le caritatif.  Il s’approprie l’Eglise dont il a une vision positive et respecte son autorité. La Messe est un moment de célébration et NDP un lieu à la fois matériel et affinitaire. Il a le sentiment de la « porosité » entre la prière et le travail et le souci de l’évangélisation et du témoignage, souvent difficile notamment vis-à-vis des enfants. Il reconnaît se sentir souvent démuni  face aux affirmations des médias.
  •  Anne-Elisabeth Martin est ingénieur. Elle vient d’une famille catholique « classique».
    Elle se sent « Conciliaire» et « passeur » car elle est sensible à la parole du Pape François qui nous demande d’aller aux périphéries. Dieu nous a confié la Création, ce qui nous donne le devoir de la sanctifier. Il ne doit pas y avoir de hiatus entre la foi et le travail. Cela l’a conduite à prendre des engagements paroissiaux et à adhérer au MCC pour réfléchir avec d’autres sur les grands sujets de société, étudier la Parole et la mettre en action.
  •  Bruno Magnes, banquier, appartient à l’Opus Dei, auquel, dit-il, on n’adhère pas pour améliorer sa vie spirituelle mais pour devenir une personne qui est donnée. Il se reconnaît comme « Observant » mais aller à la Messe chaque jour doit se compléter d’une vie de prière très dense. Il fréquente des communautés liturgiques très diverses et il a le souci permanent de l’apostolat,  dans son environnement, en famille, au bureau. Dieu nous attend chaque jour pour la rencontre. La diversité des vocations est une richesse, même si elle est parfois difficile à gérer !

Notes de Michèle Rain


791 Semaine du 2 au 9 décembre 

Vous  pouvez télécharger le Cahier d’Espérance N°791 au format PDF : 2015-791