Cahier d’Espérance n° 792 : «Quelques mots sur le projet de St Luc »

L’Evangile de Luc nous accompagnera tout au long de l’année liturgique C. Plutôt que de vous parler de l’Evangile lui-même, je voudrais vous présenter le projet de Luc, le rédacteur.

D’abord, Luc n’est pas l’un des tout premiers rédacteurs des Evangiles, car beaucoup  ont  entrepris un récit des événements accomplis parmi nous (Lc 1,1). En fait, si nous neconsidérons comme étant de Luc que les textes qui lui sont propres (sans parallèles avec un autre évangéliste), il n’est l’auteur original que d’un peu plus du tiers de son Evangile. Le reste lui a été transmis par ses prédécesseurs, même s’il fait sienne la tradition reçue et assume ses sources.

Il faut donc considérer deux aspects de son travail d’auteur :

– Sa relecture de ce qui n’est pas de lui ;

– Son travail de rédacteur lorsqu’il s’exprime librement.

       Relecture de la tradition reçue

 L’ennui est que la tradition écrite par les premiers rédacteurs est bien trop juive pour être transmise telle quelle aux nations !

Luc fait donc la chasse aux expressions telles : la Loi, les commandements, les prophètes, Fils de David, Grand Prêtre (déchirant ses vêtements), Pharisiens, Hérodiens, scribes, Sanhédrin, Fils de l’homme, Rabbi, abomination de la désolation, tribulation… en un mot, il déjudaïse ses sources.

 

S’il sait supprimer, il sait aussi remplacer : Jésus prie, huit fois au moins; le peuple, à qui il donne la parole, la multitude deviennent les témoins principaux de l’histoire de Jésus, parfois glorifiant Dieu. Le Royaume de Dieu remplace le royaume des cieux et la Bonne Nouvelle est annoncée à tous ; en un mot, il universalise son texte.

Comme il s’adresse à des païens ne connaissant pas les lieux, il explique : Capharnaüm est : “une ville de Galilée“. La contrée des Géraséniens est située : “en face de la Galilée“, et Arimathie présentée comme : “une ville des Juifs.  Le récit apocalyptique juif sur les signes dans le ciel annonçant le retour du Fils de l’homme est transposé par Luc dans un contexte militaire : des armées encerclent Jérusalem,  sa fin est proche, ce que tout païen peut comprendre.

            Luc rédacteur

 Il faut attendre le chapitre 7 de l’Evangile pour voir se développer la théologie de Luc. Jésus est invité chez Simon le Pharisien qui le prend pour un prophète… Comme tout bon juif, il ne porte aucune attention particulière à l’envoyé. Il ne le reconnait pas pour ce qu’il est…

Celle qui sait, c’est la pécheresse convertie : elle verse de l’eau et baise les pieds de

Jésus,  puis elle lui verse l’onction… donc elle l’a reconnu comme Messie qui apporte le pardon des fautes…Le pardon est premier, l’amour est conséquence du pardon. Luc place d’entrée les  païens  face  aux  Juifs, le bon Samaritain face au prêtre et au lévite (ch. 10), jusqu’au lépreux Samaritain face aux neuf lépreux Juifs (ch. 17).

Si l’on reprend dans l’ordre les textes que Luc a rajoutés dans le canevas qu’il a reçu, il est aisé de saisir que Luc oppose toujours un Juif d’origine fils d’Israël, qui ne fera pas parti des élus sans conversion, à un humble étranger (fils d’Abraham par l’adoption) qui lui, sera sauvé…

Francis LAPIERRE, Diacre


Conférence du Jeudi 12 novembre 2015

L’Eglise au Cambodge par le Père François Ponchaud

Père F. Ponchaud - photo de Charles Fox

Le Père François Ponchaud, prêtre des Missions Etrangères de Paris, nous parle de l’Eglise au Cambodge, un pays où il vit depuis cinquante ans, avec une interruption pendant la période des Khmers Rouges, encore fût-il à l’époque le dernier étranger à quitter le pays. Le Cambodge est aujourd’hui un pays de 14 millions d’habitants, dont 60% sont des ruraux, en majorité bouddhistes, et les chrétiens ne représentent que 15 000 personnes.

Le Cambodge est membre de l’ASEAN, organisation de l’Asie du Sud-Est qui regroupe plus de 600 millions d’habitants, musulmans en majorité, avec des pays aussi divers en matière de développement que la Malaisie, l’Indonésie, Singapour ou le Laos. A l’automne 2015, la libre circulation des biens et des personnes entrera en vigueur entre les Etats-membres, observée de près par les autres Etats de la zone. Cette zone est d’ailleurs en cours de remilitarisation et plusieurs îlots de l’Asie Pacifique sont revendiqués par plusieurs puissances. La Chine est une puissance militaire indiscutable et elle tente de grignoter les pays de l’ex-URSS. La Corée du Nord mais aussi du Sud ont également une armée bien structurée et le Japon se remilitarise. Devant ces risques potentiels de conflits, les Etats-Unis cherchent avant tout à protéger le pôle de production économique, à la base de leur commerce. Quant à l’Europe, pôle de consommation, elle ne joue pas dans la même cour !

Le Cambodge est un Etat très religieux, le bouddhisme est religion d’Etat, et encore fortement sacralisé. C’est encore un monde enchanté. Bouddha signifie « l’éveillé ». Romano Guardini a écrit que « Bouddha était le dernier génie religieux avec lequel le Christ devra négocier ». Il est né en 523 avant notre ère. Sa doctrine repose sur la constatation que tout est souffrance.  Il y a impermanence du sujet. Nous ne sommes pas des personnes, nous transmigrons – Bouddha aurait eu 506 vies –  jusqu’à l’idéal qui est de ne pas revivre. Ainsi les exactions des Khmers rouges n’auraient pas été commises contre des sujets ! Leur action s’inscrit dans la culture et dans l’histoire du peuple cambodgien :  il y a une sorte de connivence entre le bouddhisme et cette action, comme on pourrait en trouver entre le christianisme et le nazisme…

Dans ces conditions, il est très difficile de parler de la Résurrection. L’origine de la  souffrance est le désir, désir d’avoir, de dominer, et aussi l’ignorance. Le remède est la méditation, faire le vide pour tenir le désir à distance. Le Père Ponchaud a d’ailleurs fait l’expérience personnelle de la méditation bouddhique et constate qu’elle lui a beaucoup apporté. Cette méditation met l’accent sur l’importance du souffle et la Bible nous parle aussi de la rua’h de Dieu, du souffle qui planait sur les eaux. Enfin le bouddhisme a une morale du rite ; nous rencontrons en Occident des gens qui se disent croyants mais pas pratiquants, les bouddhistes seraient plutôt pratiquants mais pas croyants !

De plus, le bouddhisme revêt des formes très diverses. Il est ainsi plus facile d’expliquer le christianisme à des bouddhistes vietnamiens. Les Vietnamiens, peuple conquérant et dynamique, ont occupé le Cambodge et les Cambodgiens leur vouent une haine viscérale. Or, de 1840 à 1870, les Chrétiens étaient assimilés aux Vietnamiens, ce qui était un obstacle supplémentaire. Les Evangélistes ont fondé des églises culturelles pour tenter de résoudre le problème. Lorsque l’aviation américaine a bombardé le Cambodge, il était fréquent d’entendre « les Chrétiens nous bombardent ». Pendant la dictature des Khmers rouges, tous les prêtres cambodgiens ont été tués et la bourgeoisie a été anéantie. Le Cambodge est aujourd’hui dirigé fermement, le roi n’a aucun pouvoir, il y a beaucoup d’injustice et des ferments de haine. C’est un ethnocide silencieux.

Dans cet univers politique troublé et corrompu, dans ce monde des divinités, où mettre notre Dieu, comment l’annoncer ? Le Père François Ponchaud se présente comme un homme religieux, au service des plus pauvres – 30% de la population vit avec moins d’1 € par jour. Il a participé à la traduction de la Bible en langue khmère, et il traduit aussi les textes du Concile et les lettres du Pape François.

L’indispensable inculturation nous oblige à réviser notre théologie, comme nous pourrions ou devrions le faire pour parler aux jeunes qui n’entendent plus le langage de l’Eglise. Il faut aider les gens à trouver le lien entre Jésus et l’amour du pauvre et cela passe par les témoignages d’amour portés par les Chrétiens et par les actions concrètes menées avec Avenir Cambodge : construction de puits, de latrines, de canaux, de chemins…Interrogés sur ce que le baptême avait changé dans leur vie, des jeunes khmers ont répondu qu’ils avaient le sentiment d’être entrés dans une famille dont Dieu est le Père.

Il faut parfois changer notre façon de faire et adapter notre liturgie en essayant humblement, sans choquer. Pour le Père Ponchaud, être missionnaire c’est découvrir ce que Dieu révèle de Lui à travers une autre religion et ainsi enrichir sa foi et enrichir notre Eglise d’origine, celle qu’il sert.

Notes de Michèle Rain


 Noël approche !

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Pour vos cadeaux, la librairie vous invite à venir choisir des livres qui permettent de belles découvertes…Elles permettent  d’élargir nos horizons et sont porteuses d’espérance !

La sélection proposée aborde de nombreux sujets d’actualité, de société, de spiritualité pour grands et petits.

Offrir un livre, c’est une façon d’inviter à la rencontre et au partage.

Et puisque c’est Noël, la librairie élargit son offre à de petits objets et à quelques idées gourmandes.

 Les Libraires de NDP


 

792 Semaine du 9 au 16 décembre 

Vous  pouvez télécharger le Cahier d’Espérance N°792 au format PDF : 2015 – 792