CAHIER D’ESPÉRANCE N°855: «Trouver son identité profonde avec les penseurs chrétiens»

 

La quête de son identité, de sa vocation, du sens de sa vie  est omniprésente aujourd’hui.. Elle n’est pas toujours narcissique : elle peut être mue par un désir d’authenticité.

Jean-Paul Lannegrace, dans ce livre, propose d’y répondre en s’appuyant sur les écrits d’une lignée de penseurs et de mystiques chrétiens qui, de saint Augustin à Maurice Zundel, en cherchant Dieu ont en même temps cherché le sens de l’homme.

Alors que pour les bouddhistes, l’identité profonde est une illusion, que pour les incroyants,  elle ne survit pas à la mort,  pour les chrétiens, elle existe et elle est immortelle.

Nous connaissons l’existence de notre moi profond par ses manifestations. Mais nous ne pouvons nous le représenter que par des images, car il est à la fois inconscient et transcendant, ceci parce que capable d’abriter Dieu en nous : «  Dieu plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes »   dit saint Augustin.

Nous ne pouvons donc pas, par des efforts de pensée, « trouver » notre identité profonde, mais nous pouvons nous y trouver. Nous ne pouvons la connaître, mais nous pouvons en naître.

Ce livre montre, à la suite de penseurs chrétiens, qu’on ne se trouve pas dans son identité profonde en rentrant en soi, mais en sortant de soi pour aimer Dieu et les autres. Dieu vient alors en nous et en unissant notre amour des autres au sien, Il nous fait naître de notre identité profonde. Notre vie, appuyée sur sa Vie, trouve son authenticité dans notre actualisation personnelle de son Amour pour tous.

Il s’ensuit que le chemin de notre authenticité passe par l’altérité et l’abandon à la grâce divine.

Jean-Paul Lannegrace présentera son livre* et débattra avec nous de ces questions, le Jeudi 15 Juin, de 12h45 à 14h.

Jean-Paul Lannegrace

* Edition Salvator. Mai 2017


           6ème Conférence de Carême

le jeudi 6 avril 2017

par Christine FISSET,

Responsable des relations institutionnelles à l’Association Le Rocher

                             et Marion BLOSSE, étudiante.                         

HABITER EN CONFIANCE

Le Rocher, Oasis des Cités, est une association catholique laïque d’éducation populaire,régie par la loi de 1901 qui a vocation à « vivre avec » les gens des quartiers difficiles en s’y installant pour partager leur vie et leurs « galères » et y porter un regard d’espérance.

« Bâtisseurs d’espérance » est d’ailleurs le titre de l’ouvrage écrit par Cyril TISSERAND, fondateur du Rocher en 2001. L’association emploie vingt salariés, elle est habilitée à accueillir des volontaires du Service civique comme  Marion BLOSSE, étudiante en Droit qui vient nous faire partager son expérience. Christine FISSET, fonctionnaire du Ministère des Affaires Etrangères en disponibilité, est responsable des relations institutionnelles au Rocher .

« Vivre avec » c’est habiter au cœur de la cité. C’est la valeur ajoutée qui permet de créer une relation de confiance avec les habitants parce qu’on supporte comme eux le bruit, la pollution, l’insécurité. Il faut accepter de se laisser déranger, souligne Manon. A Bondy-Nord où habite Christine, il y a surtout des populations d’Afrique Noire, du Maghreb, du Pakistan et de l’Inde. Toutes ont leurs traditions d’accueil, de grand respect des anciens, de franc-parler et de joie de vivre, source parfois d’incompréhension mais surtout d’un enrichissement extraordinaire. Certains habitants offrent leurs services pour des repas en commun, des fêtes, des cafés de rue, l’accompagnement des enfants,  l’aide aux devoirs…

La cohérence de l’attitude des membres du Rocher permet un dialogue ouvert et constructif, notamment sur la foi. Avant que démarre la journée d’activités du Rocher, qui sont laïques, l’équipe du Rocher se rassemble avec des habitantes du quartier pour une prière en commun (la femme de Cyril Tisserand, disparue jeune, avait écrit une prière à Notre-Dame du Rocher*), ou une messe. La population, à 80% musulmane, respecte l’enracinement catholique de l’association, les relations avec les imams sont vécues plutôt comme un partenariat qu’une concurrence. Les jeunes « radicalisés » sont minoritaires.

Les situations familiales sont souvent complexes, mais  « grandir avec » ne signifie pas se substituer aux parents. La proposition du Rocher est fondée sur la bienveillance, l’amour de la vérité et l’exigence. L’activité « Les Aventuriers », inspirée du scoutisme et adaptée à la cité,s’adresse aux 8-15 ans. La loi des Aventuriers demande à être « propre, respectueux, joyeux … »Les enfants peuvent être durs et même violents », reconnaît Manon, « mais capables de gestes superbes ». Elle est aidée par Sadio et Khartoumi, deux « grandes » de douze ans.

«  Les enfants testent en permanence les limites de notre amour », ajoute Christine, « nous ne sommes pas des sauveurs, seulement des instruments du Seigneur. Nous avons des échecs cuisants.Nous avons parfois le bonheur de voir les semences germer, mais si nous ne voyons pas le résultat de nos efforts, peu importe… ».  L’aventure se prolonge parfois par une invitation faite aux enfants à passer quelques jours chez l’un ou l’autre des membres de l’association, ce qui crée des situations cocasses et renforce les liens. Les membres du Rocher se voient comme des passerelles, des accompagnateurs. Ils se sentent proches d’ATD Quart Monde et d’Espérance Banlieue mais les contraintes logistiques ne leur ont pas permis jusqu’à présent de travailler ensemble.

Nombre de « grands jeunes » de la cité se droguent ou trafiquent dans les halls d’immeuble et dans les rues. Ils occupent l’espace depuis le début de l’après-midi jusque tard dans la nuit et c’est là qu’il faut aller à leur rencontre.  Les filles jeunes ne participent pas aux tournées hebdomadaires car elles peuvent être prises à partie de façon déplaisante. Des cafés sont organisés pour créer des liens. Peu à peu les discussions deviennent plus constructives. Pour « bâtir avec », il faut toucher les plus exclus et tenter de leur redonner l’estime d’eux-mêmes. L’Association satellite du Rocher, Ribat, s’adresse aux 16-30 ans, recueille leurs attentes, leurs besoins, les aide à formaliser et à bâtir leurs projets pour les motiver. Le nom vient de Ribat es Salam, le lien de la paix de Tibhirine. La maturation est souvent longue mais, en trois ans, quarante-cinq jeunes ont pu bénéficier de formations ou entrer en emploi.

Outre Bondy-Nord, le Rocher est présent dans le 10ème arrondissement de Paris, dans le quartier Vigne Blanche des  Mureaux, à Grenoble (quartier Mistral), à Marseille Nord – on lira « Ceux du 11ème étage » qui se passe dans une de ces cités marseillaises – à Toulon ,La Beaucaire et à Toulon Sainte-Musse. Une quinzaine de Maires ou d’Evêques – et parfois tous deux ensemble – sollicitent l’implantation du Rocher dans leur territoire. Les salariés restent en place entre trois et six ans. La démarche est riche pour tous.

* Voir Prière de la semaine

 Notes de Michèle Rain


Prière et Chewing gum

II est tôt ce matin à Orly. Soudain, je me souviens. Partant à Tripoli, j’achète cinq paquets de Chewing gum. Je les choisis de couleurs différentes. Quelqu’un me les a demandés lors de mon séjour précédent. Mais je ne m’en souviens pas. C’était un soir, en quittant une réunion de méditation sur le Catéchisme de l’Eglise Catholique. Un africain ? Un réfugié qui m’avait
demandé cela ? Peut-être.

Quelques jours après, j’apporte un lourd paquet contenant des Bibles venant de France, à une Sœur qui vit en communauté dans un quartier de Tripoli. Je parle aussi du Chewing gum. « C’est moi qui vous l’avait demandé » me dit cette Sœur française. « C’était pour un handicapé. Mais il est mort le jour de Pâques. » Et là, j’écoute son histoire. Une histoire qui m’a remué.

Cette Sœur poursuit : « II est mort sans problème car ici les musulmans sont très croyants. Samedi saint, j’étais très prise. Je passe cependant le voir. Je parle avec lui. Il allait plus mal. Il m’interroge :  « C’est la fin ? »   Je lui réponds : «  Oui, c’est la fin ». Car c’est un homme religieux. Vous savez, ici, ils sont très religieux. Et j’ajoute «  Quant tu seras auprès de Dieu, j’espère que tu prieras pour nous ». Et alors j’entendis cette réponse   « Oui, quand je serai auprès de Dieu, je prierai pour vous et je n’en oublierai aucun »

Puissance de la Foi, sens de Dieu et de la Vie éternelle, sens des autres.  Que dire devant cette affirmation d’un vieux musulman croyant !

Si j’avais oublié ces Chewing gums… Jamais je n’aurais su cette histoire d’amour de l’homme pour l’homme, dans le sein de Dieu.

Un expatrié à Tripoli (Libye)




 N°855 Semaine du 14 au 21 juin 2017

Vous pouvez télécharger le Cahier d’Espérance N°855 au format PDF : 2017 – 855