CAHIER D’ESPÉRANCE N°929«Le déclin du courage: Discours de A. Soljenitsyne à Harvard – 1978 »

Dissident russe, Alexandre Soljenitsyne s’est présenté devant la promotion 1978 de l’Université de Harvard dont il n’aurait pas pu être plus éloigné : les diplômés étaient là, grâce à l’héritage, le génie, les privilèges ou l’influence. Soljenitsyne est arrivé à la cérémonie après le goulag, l’exil, la terreur et les privations. Il avait reçu le Prix Nobel de littérature huit ans auparavant et établi son domicile aux États-Unis. La promotion de 1978 s’attendait à une diatribe contre le communisme et un éloge de son pays d’adoption.

Mais ces mots ne sont jamais venus.

Soljenitsyne apportait un message différent :

La devise de Harvard est “VERITAS”. La vérité est rarement douce à entendre; elle est presque toujours amère. Mon discours d’aujourd’hui contient une part de vérité; je vous l’apporte en ami, non en adversaire…

Il est temps, à l’Ouest, de défendre non pas tant les droits de l’homme que ses devoirs. Si l’on me demandait…  si je pouvais proposer l’Ouest, en son état actuel, comme modèle pour mon pays [la Russie], il me faudrait en toute honnêteté répondre non. Non, je ne prendrais pas votre société comme modèle pour la transformation de la nôtre…

Après avoir souffert pendant des décennies de violence et d’oppression, l’âme humaine aspire à des choses plus élevées, plus pures que celles offertes aujourd’hui par les habitudes d’une société massifiée, forgées par l’invasion révoltante de publicités commerciales, par l’abrutissement télévisuel et par une musique intolérable.  […] 

Hervé Mariton nous interprétera ce discours  

Jeudi 13 juin à 12h45 

Venez nombreux, invitez vos collègues….


1° Conférence de Carême  à Notre-Dame de Pentecôte

7 mars 2019 

Visages de la miséricorde

Par Mgr Yvon AYBRAM

(Vicaire épiscopal et curé de  Saint Jean-Baptiste de Neuilly sur Seine)

Pour contempler ces visages de la miséricorde, nous nous appuierons sur deux textes écrits à l’occasion de l’Année Jubilaire de la Miséricorde (2015-2016) :

La Bulle d’indiction intitulée Misericordiae Vultus (Le visage de la miséricorde) du 11 avril 2015

La Lettre apostolique Misericordia et misera (Miséricorde et misère) du 20 novembre 2016

QU’EST-CE QUE LA MISERICORDE ?

Dans le langage courant, il s’agit de compassion, de pardon. Dans le langage biblique, la langue hébraïque étant plus concrète, elle comporte ces deux mots :

RAHANIM : les entrailles maternelles

On attribue à Dieu ces entrailles maternelles : Dieu est ému, au plus profond de son humanité, au point de pardonner.

«Une femme peut-elle oublier son nourrisson (…) ? même si elle l’oubliait, moi, je ne l’oublierai pas Isaïe 49, 15

HESED : tendresse, bienveillance, amour, bonté, miséricorde…

Dieu ne cesse de manifester sa tendresse, face à la misère humaine…à son tour, l’homme qui en bénéficie, doit se montrer miséricordieux pour son prochain comme Dieu est miséricordieux.

LA MISERICORDE SOURCE DE JOIE

§1 : Dans Misericordiae Vultus, dès les premières lignes, on peut lire : « Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier (…) Qui le voit a vu le Père. »

Remarquons que le seul visage que nous ayons du Père, est celui de son fils bien-aimé.

§2 : « Nous avons besoin de contempler le mystère de la miséricorde. »

Le mot mystère est un faux-ami : dans la langue courante, il est perçu comme sombre, obscur, incompréhensible… alors que dans la langue chrétienne, il désigne une réalité tellement lumineuse qu’elle nous éblouit. Il nous faut du temps pour nous habituer et voir. Et plus on découvre ce qu’elle éclaire, plus on découvre que cela est plus vaste que nous  l’imaginions.

C’est pourquoi la contemplation est nécessaire, pour nous laisser former par le Seigneur. Nous voyons alors que la miséricorde est source de joie, de sérénité, de paix, conditions de notre Salut. Nous sommes sauvés par l’amour qui vient des entrailles de Dieu.

La miséricorde révèle également le mystère de la Sainte Trinité, acte ultime et suprême, par lequel Dieu vient à notre rencontre.

Trop souvent nous avons l’impression que c’est nous qui allons à la rencontre du Seigneur. En réalité, dans la procession de communion par exemple, c’est le corps du Christ qui vient vers nous, au seuil de la nef. Dieu vient à notre rencontre, où que nous soyons.

La miséricorde est « le chemin qui unit Dieu et l’homme » et comme Dieu, nous sommes invités à pratiquer nous-mêmes la miséricorde.

Regardons-nous toujours l’autre avec miséricorde? Avons-nous des paroles de miséricorde ? Le Pape nous conseille de nous mettre d’abord à l’écoute de la Parole de Dieu pour être capables de miséricorde; de nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu « dans le silence » qui est difficile à trouver dans le monde d’aujourd’hui.

§13 : « C’est ainsi qu’il est possible de contempler la miséricorde de Dieu et d’en faire notre style de vie. »

LA MISERICORDE EN ACTION

Pour être à notre tour miséricordieux, il nous faut donc écouter la Parole et la mettre en pratique.

§15 : « …que le peuple chrétien réfléchisse (…) sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon d’éveiller notre conscience, souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Evangile…La prédication de Jésus nous dresse le tableau de ces œuvres de miséricorde, pour que nous puissions comprendre si nous vivons, oui ou non, comme ses disciples.»

Le Pape recense d’une part: sept œuvres de miséricorde corporelles, déduites du Chapitre 25 de Saint Matthieu : Donner à manger à ceux qui ont faim, vêtir ceux qui sont nus, visiter ceux qui sont prisonniers…visiter les malades et enfin ensevelir les morts.

Puis sept œuvres de miséricorde spirituelles : Conseiller ceux qui doutent, enseigner ceux qui sont ignorants, réprimander les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes importunes, prier Dieu pour les vivants et pour les morts.

Notons qu’en faisant dire des messes, nous faisons miséricorde.

La justice et la miséricorde sont deux dimensions d’une même réalité. La justice divine (à ne pas confondre avec le légalisme) consiste avant tout à s’abandonner à la volonté de Dieu.

§20 : « En face d’une vision de la justice comme simple observance de la loi qui divise entre justes et pécheurs, Jésus indique le grand don de la miséricorde qui va à la recherche des pécheurs pour leur offrir le pardon et le salut. »

Il y a aussi dans la miséricorde une dimension missionnaire, puisqu’il s’agit d’aller vers l’autre, de lui offrir…le pardon, le Salut. Le Pape François parle d’une « dimension fondamentale de la mission de Jésus. »

« Jésus va au-delà de la loi ; son partage avec ceux que la loi  considérait comme pécheurs fait comprendre jusqu’où va sa miséricorde. »

Si on devait résumer le message du Pape dans Misericordiae vultus, il faudrait retenir deux lignes de réflexion :

§3 : « Nous sommes appelés de façon (…) plus pressante, à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir aussi signe efficace de l’agir du Père. »

La Miséricorde doit être vécue et célébrée, elle est source de joie.

LA PORTE DE LA MISERICORDE DEMEURE GRANDE OUVERTE          

Durant l’année jubilaire de la Miséricorde, toutes les portes saintes ont été ouvertes et pas seulement celle de Saint-Pierre de Rome. Il ne faut pas seulement y voir l’aspect matériel. Pourquoi les portes des églises sont-elles monumentales, richement sculptées… ?

Parce que Jésus a dit « Je suis la porte… »

Le Pape François explique que la porte est l’expérience de l’amour de Dieu qui console et qui pardonne. Tous doivent pouvoir faire cette expérience, même le prisonnier dans sa cellule. Consolation, pardon,  espérance sont autant de cadeaux de Dieu qui contrastent avec la dureté du monde.

MISERICORDIAE SICUT PATER

Cette formule de l’Evangile est devenue un hymne pendant l’année jubilaire. La formule est puisée dans Luc 6, 36 : Après les Béatitudes, Jésus dit : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. »

Le Pape commente l’Ecriture, ici, il retient trois paraboles en Luc 15 : la brebis perdue, la pièce perdue et surtout le père et ses deux fils. Il met l’accent à chaque fois sur la joie éprouvée, notamment celle du père qui fait miséricorde. Notons que le père ne laisse pas le fils faire tout le chemin, il va au-devant de lui, il ne le laisse pas non plus exprimer les paroles qu’il avait préparées. Le Père sait déjà. Ainsi devons-nous courir à la rencontre de l’autre et respecter son silence.

Le Pape nous offre ensuite une méditation sur la figure de la femme adultère (Jean 8), en s’appuyant sur les propos de Saint Augustin :«Il ne resta que la misérable pécheresse en face de la bonté miséricordieuse. »  Ce récit, écrit le Pape dans la lettre apostolique Misericordia et misera, peut « être considéré comme l’icône de la miséricorde divine » que nous célébrons et dont nous vivons. « Tout se révèle dans la miséricorde ; tout se résout dans l’amour miséricordieux du Père ; (…) La misère du péché a été recouverte par la miséricorde de l’amour. »

(Suite et fin dans le prochain Cahier)



N°929Semaine du  29 Mai au 12 Juin 2019

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2019 – 929