Cahier d’Espérance n° 797 : « Sagesse biblique, sagesse politique »

Paul Valadier

Le 4 février prochain, le Père Valadier s.j. viendra nous parler de son livre « Sagesse biblique, sagesse politique » (disponible à la librairie).

Il semble, a priori, antinomique de mettre en parallèle la sagesse biblique qui semble établie, et une très hypothétique « sagesse politique ».

Étrange titre pour un livre qui a pour objet une remise en cause du concept et de la réalité même du pouvoir. En France et en Occident, c’est  la lecture grecque et romaine du pouvoir qui  l’emporte, surtout depuis la révolution française.

L’héritage biblique a de nombreuses approches divergentes :

Pour Machiavel « aucune cité digne de ce nom ne peut être fondée sur la base des vertus évangéliques».

Pour Thomas Hobbes, philosophe et penseur politique du 17ème siècle, « il faut s’en prendre à un pouvoir spirituel excessif (la Papauté) et donc relire les Ecritures pour voir à quel point elles appellent à une obéissance inconditionnelle envers le Souverain, expression instituée de la loi divine ».

Dans ce livre, la réflexion se déroule en cinq chapitres :  Athènes et Jérusalem ; le pouvoir reçu (Salomon) ; la Tentation du pouvoir ; « Toute autorité vient de Dieu », et enfin une réflexion sur la fin du monde,  « Catastrophe et espérance ».

Le Père Valadier cite St Pierre :  « il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes » (Ac 4, 19). Il observe, au demeurant, que « le refus d’obéir doit être fondé,  pour ne pas être caprice ou facilité ». Mais il insiste : l’appel à la transcendance, celle de la conscience ou celle de Dieu, est source pour l’homme de désaliénation et l’aide à se dégager de la soumission.  Il cite aussi Hitler « Je ne puis compter sur l’obéissance absolue d’un être contaminé par l’enseignement chrétien ».

Mais il observe bien vite que « l’acte de désobéissance est rare de la part des citoyens », dont les vies sont « conformes » et « soumises sans que cela ne pose aucun problème de conscience ».

L’Epître à Diognète, des premiers temps du christianisme, revendique même ce conformisme des chrétiens aux mœurs de leur temps. Bref, une vie spirituelle réelle n’est nullement contradictoire avec l’obéissance du citoyen. Pour autant, le Père Valadier reconnaît que l’obéissance ne peut jamais être inconditionnelle. « La soumission aux pouvoirs normatifs nouveaux, d’autant plus coercitifs qu’ils sont dissimulés, ne peut être tenue pour une norme éthique digne de l’homme ».

Le Père Valadier souligne la rage anticatholique de Hobbes qui  en appelle à une obéissance « absolue » au Souverain. Du coup, « en cette affaire c’est plutôt le catholicisme qui est du côté de la modernité démocratique puisqu’il ne sacralise pas le pouvoir temporel ».

Sa réflexion l’amène à reconnaître que c’est bien la Révélation divine  qui oblige à poser cette question « Au nom de quoi me soumets-tu ? », « et non pas la seule raison qui peut trouver mille justifications à la soumission ».

Au moment où les tensions sociales sont de plus en plus vives, quand de nombreux  « citoyens » contestent la loi républicaine au nom de leur idéologie religieuse, et quand cette loi des hommes s’en prend à la loi naturelle, ce livre, petit par la taille, facile à lire, clair et pédagogique, aide à prendre un peu de champ et oblige à mener une réflexion de fond sur le concept de pouvoir.

Laurent-Michel de Woillemont 



La Procure 3
Dans le cadre de la discussion au Sénat de la loi sur la fin de vie,

voici une note de lecture de la Librairie sur le livre

 de Jean Leonetti
  « C’est ainsi que les hommes meurent *» 

Comme en écho à Aragon, Jean Leonetti a intitulé son livre préfacé par Robert Badinter « C’est ainsi que les hommes meurent ». La mort est à la fois en nous et extérieure à nous. C’est une expérience personnelle impossible, un sujet humain intime mais aussi social que sous-tend une pensée commune. La façon de mourir des hommes est un marqueur du type de société. Aussi, en décrivant différentes façons d’envisager la mort et les rites du deuil dans leur ambivalence liée à son aspect individuel et collectif, Jean Leonetti a-t-il le souci de les décrypter et de les relier à ce que nous vivons aujourd’hui.

Notre société se transforme sous l’influence d’un progrès technique accéléré et d’une soif de liberté individuelle, d’une forte revendication d’autonomie. L’individu ne place pas son action (…) dans le temps des autres générations ni dans l’espace de ses
semblables  mais dans la légitimité issue  du respect de la volonté de chaque être humain
.  Cette demande s’accompagne paradoxalement d’une exigence d’accord de la société, glissant ainsi du « c’est mon choix » au « c’est mon droit » ! Mais l’individu ne se rend pas toujours compte que l’affirmation de sa volonté peut être induite insidieusement par un système sociétal sans repères et sans interdits qui fonctionne à l’émotion et à l’immédiateté…

Le débat apparent est celui de la lutte de l’autonomie du malade contre la toute-puissance médicale qui, il est vrai, contribue souvent à créer des situations d’entre-deux mais c’est aussi l’évacuation pour la société du problème de la mort qui est renvoyé au médecin. Or celui-ci n’est ni le détenteur de la morale ni l’instrument de tous les désirs non plus que l’exutoire de toutes les insatisfactions. Son rôle est de protéger le plus faible. Jean Leonetti  souhaiterait que les soins palliatifs qu’il préfère appeler soins d’accompagnement soient, bien sûr, plus développés et, surtout, plus intégrés à la pratique médicale afin de ne pas apparaître comme un abandon. Il suggère qu’il n’y a pas de bonne solution, pointe les dérives constatées dans les pays où le suicide assisté et l’euthanasie ont été légalisés et demande que l’autonomie et la vulnérabilité soient en même temps prises en compte au pied du lit du malade.

Jean Leonetti  convoque, à l’appui de ses réflexions, Pascal mais aussi Camus, Tolstoï et bien d’autres. Il nous donne en exemple Ulysse qui choisit, contre l’offre d’immortalité de Calypso, son pays, sa famille et « la mort qui va avec » car « chaque
parcelle d’humain vécu est une poussière d’éternité que rien ne pourra effacer
 ». 

* PLON (Tribune Libre) 2015 – 176 pp.


logo misericorde1La Librairie vous propose un choix de lectures centrées sur la Miséricordethème choisi par le Pape François pour nourrir notre vie de foi, tout au long de 2016. 

Sur la Table de présentation, certains ouvrages ont fait l’objet de notes de lectures, en quelques lignes. Celles-ci sont disponibles dans les dossiers à l’Accueil, mais aussi sur le Site de Notre Dame de Pentecôte à l’onglet «Librairie/Spiritualité». 


797 Semaine du 27 janvier 03 février 2016

Vous  pouvez télécharger le Cahier d’Espérance N°797 au format PDF: 2016 – 797

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*« Sagesse biblique, sagesse politique», livre disponible à la librairie (20 euros)