CAHIER D’ESPÉRANCE N°908 : «Avec Maurice Zundel, faire l’expérience de Dieu. »

Je ne crois pas en Dieu, je le visCette phrase synthétise parfaitement la spiritualité de Maurice Zundel (1897-1975).

Ce prêtre suisse, que Paul VI considérait comme un génie mystique, est un véritable prophète de notre temps dont il a décelé précocement les germes, anticipant leurs développements actuels.

Conflits mondiaux, perte des valeurs, dévalorisation de l’homme perdu dans les effets de masse, déshumanisation des relations, perte des repères… Zundel s’est posé sans relâche la question de la survie de la présence de Dieu au monde du  XXI° siècle, de ce Dieu tel qu’il nous est souvent transmis : extérieur au monde, à nous-mêmes, Tout Puissant, un juge attendant que nous évoluions vers lui.

Non, Dieu n’est pas un Pharaon isolé dans les cieux !

Dieu est unique, mais pas solitaire. En lui, il y a l’autre. Dieu est Père, Dieu est Fils, entre les deux personnes divines s’établit une relation incessante, purifiée de toute tentative d’appropriation par la présence de l’Esprit. Cette relation, l’essence pure, « Je suis celui qui suis » nous fonde, nous espère, nous attend au plus intime de nous-mêmes.

La rencontre avec Dieu coïncide avec la rencontre avec nous-mêmes, lorsque nous entrons en contact, au sein de l’espace silencieux de notre intériorité, avec l’illimité.

«Qu’on soit croyant ou qu’on ne le soit pas, ce n’est pas cela qui importe, ce qui importe, c’est de vivre cette prise de conscience, de vivre cet infini en soi et dans les autres. Celui qui ne l’a pas perçu est en deçà de son humanité, il pourra sans doute y parvenir un jour, il aura sans doute la chance de faire une expérience qui lui permettra de franchir le pas, mais tant qu’il n’a pas accédé à cette expérience, il ne peut prendre en main son humanité puisqu’il ne l’a pas perçue comme un problème, un problème essentiel

Celui qui, en revanche, a perçu cette dimension, qui l’a reconnue dans les autres ou en soi-même, est embarqué : il ne peut plus revenir en arrière. Il est embarqué et il faudra qu’il pousse sa recherche jusqu’au jour où il comprendra ce qu’il en résulte pour son comportement ».

C’est à cette rencontre avec la divinité et à ses conséquences pour notre humanité que nous convie et nous initie très concrètement Maurice
Zundel.

France-Marie CHAUVELOT* viendra le 13 décembre à 12h45 nous présenter la spiritualité de ce prophète de notre temps.

* Co-auteur avec Bernard de Boissière de Maurice Zundel (Presses de la Renaissance 2009) et de Maurice Zundel, Je ne crois pas en Dieu je le vis, (Le Passeur, 2017)

Association des Amis de Maurice Zundel en France

amz-france.fr


  TRANSHUMANISME et VEGANISME : quel avenir pour la personne humaine?           

Conférence de Don Pascal-André Dumont

Econome général de la Communauté Saint-Martin

A Notre-Dame de Pentecôte le jeudi 7 juin 2018

Le Transhumanisme pose, avec une brûlante actualité, la question de l’avenir de la personne humaine. Cette dernière est déjà atteinte par l’individualisme qui fragilise l’individu, en menaçant sa dimension relationnelle et développe un sentiment de solitude angoissant.

EN GUISE D’INTRODUCTION, QUELQUES DISTINCTIONS

Nous voyons apparaître deux nouveaux courants :

Le Véganisme est à l’extrême de l’individualisme. Ce terme recouvre en fait deux réalités, il s’agit d’une part d’un mode de vie qui consiste à ne consommer aucun produit issu des animaux, ce qui en soit est respectable. Mais structuré par les réseaux sociaux, il devient un mouvement communautaire et violent, s’en prenant notamment à des boucheries et tend à se présenter comme une idéologie.

D’autre part l’anti-spécisme est un courant philosophique qui ne reconnait plus l’existence de différentes espèces, mais une seule espèce, le vivant et qui revendique une égale dignité pour tout être vivant, du moustique à l’être humain…

Le Transhumanisme correspond, lui aussi, à une double réalité. Il y a tout d’abord une dimension technique ou technologique. La « technologisation » est en effet désirée par nos contemporains parce qu’elle assure davantage de confort, une vie plus facile et plus longue. Il y a, de ce point de vue, une réelle convergence au sein des NBIC (Nanotechnologies, Biologie dont travaux sur l’ADN, Sciences de l’Information et Sciences du Cerveau…)

Ces technologies se développent à grande vitesse grâce aux recherches open-source …

L’autre réalité du Transhumanisme est son versant philosophique ou idéologique. Parmi les transhumanistes, nous trouvons différents mouvements et tendances:

  1. Il y a un transhumanisme qui semble modéré, celui d’Humanity+ (vaste organisation) ou l’homme augmenté selon Nick Bostrom. Selon lui, l’amélioration de l’homme est un impératif éthique, un devoir moral ; l’être humain doit utiliser toutes ses capacités.
  2. Dans une version plus extrême et plus médiatique, on trouve Ray Kurzwel de l’Université de la Singularité en Californie qui travaille pour Google. Ils ont passé un point de non-retour en postulant l’avènement d’un être post-humain qui dépassera ses limites cognitives grâce à l’intelligence artificielle : « En 2029, ce sera la fin de l’humanité, ce sera la post-humanité…en 2045, l’Intelligence artificielle sera 1 milliard de fois plus intelligente que tous les cerveaux humains. On parle d’extropianisme qui a foi dans une organisation croissante des systèmes, grâce à la science et aux techniques, une foi fondée sur un progrès supposé illimité de celles-ci.

ENJEUX ET DEFIS MAJEURS POUR NOUS

Voici 10 points de repères : 

  1. Sur le plan méthodologique, il convient de distinguer la dimension philosophique ou éthique de la dimension technique, en sachant que le transhumanisme cherche toujours à gommer cette différence, en se centrant sur les bienfaits des nouvelles technologies, afin de donner du transhumanisme une image artificiellement séduisante. Il faut être lucide face à cette imposture.

Il y a certes des chercheurs transhumanistes, mais ils ne le sont pas tous.

Nous chrétiens, ne méprisons pas a priori les nouvelles technologies, nous savons que comme pour tout outil, à commencer par le couteau, tout est affaire d’usage, et nous pouvons nous réjouir que les nouvelles technologies soient le fruit de l’intelligence humaine et qu’elles améliorent la qualité de la vie. En 2009, Benoit XVI, dans Caritas in Veritate présentait la technophobie comme une impasse.

  1. Maitrise des technologies insuffisante

S’agissant des nouvelles technologies et autres avancées, on peut dire aujourd’hui qu’on ne maîtrise pas les risques, par exemple, il peut y avoir :

  •  Atteinte à la vie privée et à la liberté
  •  Perte de contrôle (par exemple de l’intelligence artificielle)
  •  Utilisation par des personnes ou des groupes mal intentionnés
  •  Erreurs ou bugs qui pourraient avoir des conséquences énormes, jusqu’au déclenchement d’une guerre..
  •  Piratage, effets collatéraux, des algorithmes peuvent se retourner contre des personnes.
  1. Nécessité absolue du questionnement éthique

Même si nous maitrisions les risques énumérés ci-dessus, cela ne suffirait pas car il n’est pas licite de faire tout ce qu’il est possible de faire, sans se poser de question éthique… Nous devons en effet nous demander s’il est bon de faire ce que nous avons le pouvoir de faire, s’il n’est pas préférable de renoncer. Or la pression médiatique est très forte pour éviter la question éthique. Le principe de précaution, si souvent rappelé dans d’autres domaines, ne semble pas devoir s’appliquer aux nouvelles technologies…

Un discernement éthique devrait décider de l’usage ou non des nouvelles technologies, mais cela n’est pas acceptable pour beaucoup de scientifiques, qui, au mieux posent la question éthique après coup…

Pour le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), l’éthique est réduite à la légitimation d’une demande sociétale en aval, alors que l’Ethique devrait réguler en amont, elle devrait définir un cadre pour éviter les dérives et en réalité, elle légitime la dérive du cadre.

Cela induit un contexte de fragilisation et de relativisme.

Depuis 20 ans, l’innovation a supplanté le progrès. Ce dernier est un mouvement en avant de la civilisation, il apporte un plus et un mieux sur le plan qualitatif. En revanche, il y a innovation quand quelque chose qui n’existait pas auparavant, existe désormais…sans évaluation qualitative.

Les Nouvelles Technologies sont devenues auto-référentes, toutes puissantes. La tendance est aujourd’hui de penser que plus égal mieux…

Jusqu’à présent, on avait des repères humains : inhumain, infra-humain, bestial, cruel…or avec le transhumanisme, les frontières de l’humain sont troublées.

Il faudrait discerner l’inhumain dans le transhumain et le surhumain.

Il y a nécessité de connaître ce qu’est l’homme et donc de mener une réflexion anthropologique au cœur du questionnement éthique et interroger les transhumanistes sur leur vision de la personne humaine et de la société.

4. Le transhumanisme n’ouvre pas à la transcendance

Il exprime certes un désir de se dépasser, de vivre indéfiniment.

Mais il y a dans l’homme une dimension surnaturelle qui le pousse à dépasser sa condition.

« Apprenez que l’homme passe infiniment l’homme » nous dit Pascal.

Dieu nous a créé avec le désir de vaincre la mort et il nous offre de dépasser la mort, par la vie éternelle. Le transhumanisme n’ouvre pas à la transcendance, il enferme l’homme dans son immanence, il ne répond au profond désir de dépassement de l’homme, que par l’augmentation et la transformation technologique de celui-ci.

Notes d’Anne Plauchu

Suite et fin au prochain Numéro


     


N°908 Semaine du 5 au 12 Décembre 2018

Vous pouvez télécharger le Cahier d’Espérance N°908 au format PDF:  2018 – 908