CAHIER D’ESPÉRANCE N° 807 : «L’Eglise n’est pas ce qu’on en dit…»

À la Résurrection, Jésus demande aux disciples de “faire des disciples de toutes les nations, en leur apprenant à garder ses commandements” (Mt 28,20)

L’Eglise est faite pour évangéliser rappelait le Pape Paul VI à une Eglise encore forte comme institution.

L’Eglise est faite pour faire connaître le nom de Jésus-Christ, sa victoire sur la mort, promesse pour tous les humains. Elle doit agir en son nom et
selon ses commandements, ses paroles et ses gestes.

Aujourd’hui, ceux qui font connaître, ceux qui font savoir, pour la plupart d’entre eux, réduisent singulièrement la connaissance que le public peut avoir de l’Eglise. Dans la plupart des grands médias, on évoque l’Eglise à travers les polémiques sur la laïcité que toutes les religions contesteraient, ou lors de tristes affaires de pédophilie ou quand survient un scandale financier provoqué par un évêque d’une Eglise riche….

Mais ce qui fait la vie chrétienne ordinaire, ce qu’est la vie paroissiale, celle des mouvements et l’aide à la réflexion qu’ils apportent au fil des mois à leurs participants ;  ce qui vivent les scouts et la tâche d’éducation qui est faite dans le scoutisme ; les joies et les consolations qu’apportent les aumôniers de prisons et d’hôpitaux lors de leurs visites ; les rencontres que font les milliers de jeunes de différentes conditions sociales lors des
rassemblements organisés par l’Eglise, l’aide qu’apporte aux plus démunis le Secours Catholique… De tout cela et de bien d’autres réalités encore…il n’est presque jamais question sur les écrans des chaînes en continu et dans la presse nationale.

Et pourtant, voilà bien la vie chrétienne…

Alors, c’est aux chrétiens de faire savoir et donc de connaître eux-mêmes la vie de leur Eglise et de savoir bien en parler.

Oui, la Résurrection proclamée est une Bonne Nouvelle universelle, car en son nom : des centaines de personnes, à La Défense, sont accompagnées,  chaque année, pour faire le lien entre leur travail et leur foi…

Oui, la Résurrection est une Bonne Nouvelle pour ceux qui sont fraternellement accueillis lors du repas communautaire du mercredi, pour ceux qui sont aidés dans leur démarche de recherche d’emploi…

Oui, la Résurrection est une Bonne Nouvelle pour les malades, pour ceux qui sont  en fin de vie et qui reçoivent des visites aimantes et attentionnées à l’hôpital et pour leurs proches…

Oui, la Résurrection est une Bonne Nouvelle pour ceux qui sont accueillis, écoutés, encouragés… au long des jours et des rencontres avec des prêtres, des diacres et des laïcs…

Et je ne parle là que de notre Maison d’Eglise ou d’autres paroisses et il y aurait tant à citer dans notre Diocèse comme dans le reste de l’Eglise en France.

Las, nos paroisses ni l’Eglise ne sont parfaites et il y aurait tant à faire, à faire plus,à faire mieux ! Pour autant, nous ne pouvons nous reconnaître exclusivement dans les polémiques, les dénonciations  et lors des scandales. C’est réducteur, mensonger et offensant !

Notre vie chrétienne est riche de prières et de rencontres, de liens tissés et de services rendus, reçus, échangés.  Sachons-le, faisons-le savoir…

Le Christ est un bon Maître qui envoie ses disciples et leur donne de faire savoir,“en son nom”,  les actions  qu’ils mènent.

Bon Temps pascal à tous.

Père Alain Lotodé


2 ème Conférence de Carême

G BILLON

Justice dans  la Bible

par le Père Gérard BILLON

le 18 février 2016

Le Père Gérard Billon est exégète, professeur à l’Institut Catholique de Paris et directeur de la revue « Cahiers Évangile ». Après la justice des hommes qui a fait l’objet de la première conférence de Carême, nous sommes invités à réfléchir sur la justice que Dieu veut pour les hommes.

Tonner comme le fait Jérémie contre le roi qui bafoue les règles du droit et exerce à son profit une fausse justice en exploitant son peuple est un privilège de prophète – qui lui fait d’ailleurs courir quelques risques.

Le couple droit-justice apparaît une trentaine de fois dans la Bible.

Le droit, mishpat, est le jugement mais aussi la règle. Le mot a son origine dans le verbe shaphat, juger, gouverner. Il renvoie au droit des personnes qui renvoie lui-même aux trois codes bibliques qui régissent les rapports de l’homme avec Dieu et des hommes entre eux, le code de l’Alliance, dans le livre de l’Exode, le code deutéronomique dans le livre du Deutéronome, et la loi de Sainteté dans le livre du Lévitique.

Historiquement, ces trois codes qui ont existé, sous une forme ou une autre, avant 600 av. J-C. sont inspirés par les corpus législatifs du Proche-Orient ancien dont l’exemple le plus connu est le code d’Hammourabi (XVIIIe siècle av. J.-C.).

D’un point de vue littéraire, ils sont inclus dans la Torah après l’Exil, lorsque les Judéens, en quête d’identité, veulent retrouver leurs racines.

Enfin théologiquement, les trois codes sont énoncés dans le désert comme donnés par Dieu par l’intermédiaire de Moïse avant l’entrée en Terre « promise » (et non pas « conquise » –  un rabbin du XIIIe siècle disait que tout lieu où sagesse et crainte du péché sont mis en œuvre, a le même statut normatif que la terre d’Israël). Ils déploient le Décalogue.

Le droit est une donnée objective qui a une dimension horizontale et verticale et trouve sa racine en Dieu même.

La justice, tsedaqah, est l’exercice personnel du droit, un engagement qui se cale sur l’engagement de Dieu lui-même. La dimension éthique de la justice, la protection des frères, des immigrés, des orphelins, des veuves, est toujours connectée à la dimension cultuelle. Elles se
renforcent l’une l’autre. La justice sert à décrire une qualité de Dieu. En Jérémie 9,24, on lit : « Car je suis le Seigneur qui exerce la bonté, le droit et la justice sur la terre. »  Le roi est le premier concerné par l’exercice de la justice. L’archétype du roi juste est David ; même  l’épisode de Bethsabée avec les remontrances du prophète Natân montre que le roi n’est pas au-dessus du droit et de la justice (2 S 11 et 12). Israël doit garder espoir en la justice même quand il est sous la domination d’un roi indigne. « Je susciterai pour David un rejeton légitime, un roi qui règne avec compétence, qui exerce le droit et la justice, (Jr 23,5) ».

Le droit et la justice doivent protéger des gens qui ont des statuts sociaux différents, à commencer par les plus pauvres et notamment les étrangers, immigrés non-juifs qui vivent au sein de la communauté. Le code le plus ancien, celui de l’Alliance, issu du droit coutumier, le rappelle en Ex 22,20 en faisant référence à l’événement fondateur : « tu ne molesteras pas l’étranger, ni ne l’opprimeras, car vous-mêmes avez été étrangers dans le pays d’Égypte» La Loi s’inscrit dans la dynamique de la Révélation. Le Code deutéronomique, rédigé par des scribes, retravaillé pendant l’Exil, est marqué par une éthique communautaire et l’immigré est l’occasion de faire mémoire des bienfaits d’Israël : « Aimez l’étrangercar, au pays d’Egypte, vous fûtes des étrangers (Dt 10,19). » Enfin la loi de Sainteté associe l’immigré  à la communauté s’il accepte la Torah et les signes comme la circoncision et le respect des interdits alimentaires : « L’étranger qui réside avec vous sera pour vous comme un compatriote et tu l’aimeras comme toi-même car vous avez été étrangers au pays d’Égypte. Je suis Le Seigneur votre Dieu  (Lv 19,33-34). »
La bénédiction de Dieu commence à l’intérieur de la communauté. L’homme juste est celui qui est le plus ajusté à la justice de Dieu (Ps 112).

L’année sabbatique et l’année jubilaire font également référence au droit et à la justice. La première, mentionnée dès les deux premiers Codes, était effectivement appliquée (au Ier et IIe siècle de notre ère, Flavius Josèphe et Tacite y font référence). Tous les 7 ans, la terre est laissée en friche,
les hommes et les animaux sont en repos. Les dettes sont remises et les esclaves libérés (Lv 25). Ces consignes visent à servir au bonheur de tous et à rappeler que la terre appartient à Dieu qui l’a créée et confiée aux hommes. Lors de l’année jubilaire, tous les cinquante ans, en plus du repos universel et de la remise des dettes, ceux qui ont perdu leur patrimoine le retrouvent ! L’utopie est belle : le frère n’a pas pouvoir sur le frère, l’homme n’a pas pouvoir sur la terre.

La justice dans le Nouveau Testament est soulignée d’emblée dans les Béatitudes en Mt 5. «Heureux les affamés et les assoiffés de la justice » est sur le mode de l’attitude, «Heureux les artisans de paix » et Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice » sont sur le mode de l’engagement. La justice pour laquelle les bienheureux  seront persécutés, s’identifie à l’action du Christ. Jésus de Nazareth, fils de
David, est le Saint de Dieu. Dans les Béatitudes, exhortation pour le présent, Matthieu signale le manque fondamental de justice dans le royaume des hommes pour l’opposer à la justice qui existe dans le Royaume de Dieu et qui en est un enjeu majeur. Il faut que justice soit faite et Dieu lui-même vient s’en occuper.

L’Évangile insiste aussi sur la priorité donnée aux pauvres ; elle ne relève pas du mérite mais du regard de Dieu porté sur eux, regard demandé aux disciples du Christ.

Dans l’Ancien Testament, droit et justice sont au cœur de la Torah : le roi intervient auprès des riches pour faire régner la justice envers les pauvres. Dans le Nouveau Testament, la royauté de David et de ses successeurs est depuis longtemps éteinte mais la justice du Règne de Dieu,
qui est proche, est remise entre nos mains…

Notes de Michèle Rain


N°807 Semaine du 06  au 13 avril 2016

Vous  pouvez télécharger le Cahier d’Espérance N°807 au format PDF2016 – 807